Article du Blog

La 10e conférence ministérielle de l'OMC se concentre sur les PMA

La 10e  Conférence ministérielle de l'OMC, qui s'est tenue à Nairobi, au Kenya, du 15 au 19 décembre, s'est conclue par six décisions ministérielles importantes pour les pays en développement, en particulier les PMA. Quatre décisions tournent autour du commerce agricole et requièrent des engagements clairs de la part des pays développés et en développement ; deux autres décisions se concentrent uniquement sur les avantages pour les PMA. Malgré ce que certains appellent un paquet commercial "historique", l'avenir du programme de Doha pour le développement de l'OMC reste toutefois incertain.

En ce qui concerne l'agriculture, la pièce maîtresse du paquet de Nairobi est l'élimination des subventions aux exportations agricoles. Les pays développés membres se sont directement engagés à éliminer immédiatement les subventions à l'exportation, à l'exception de quelques produits agricoles ; les subventions sur certains des produits les plus sensibles, tels que les aliments transformés, les produits laitiers et la viande, doivent être supprimées d'ici 2020. Les pays en développement ont obtenu un délai supplémentaire : ils ont jusqu'en 2023 pour supprimer leurs subventions, les pays les moins avancés (PMA) et les pays importateurs nets de produits alimentaires ayant jusqu'en 2030 pour respecter leurs engagements.

L'élimination des subventions à l'exportation de produits agricoles est une bonne nouvelle pour les nations les plus pauvres, car l'utilisation accrue des subventions peut entraîner un déplacement de la production agricole dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Le directeur général de l'OMC, Roberto Azevêdo, a qualifié cette décision d'historique, déclarant que "les membres de l'OMC - en particulier les pays en développement - n'ont cessé de réclamer une action sur cette question en raison de l'énorme potentiel de distorsion de ces subventions pour la production et le commerce intérieurs." La décision prend également des mesures pour garantir que d'autres politiques d'exportation, telles que les crédits à l'exportation et l'aide alimentaire non urgente, ne soient pas utilisées comme substitut aux subventions.

Le paquet de Nairobi réaffirme également la "clause de paix" de l'accord de Bali concernant les programmes de stockage public de denrées alimentaires ; cette clause permet aux pays en développement de poursuivre ces programmes à des fins de sécurité alimentaire jusqu'à ce qu'une solution permanente soit trouvée lors de la 11 e conférence ministérielle en 2017.

Les derniers accords agricoles du paquet de Nairobi concernent un mécanisme de sauvegarde spéciale controversé qui, s'il est approuvé, donnerait aux pays en développement le droit d'augmenter temporairement les droits de douane lorsque les prix à l'importation chutent ou lorsqu'ils connaissent une forte augmentation des importations, ainsi qu'une décision d'accorder aux PMA un accès en franchise de droits et sans contingent aux marchés du coton des pays développés. (Pour une analyse plus approfondie de toutes ces décisions agricoles, voir "La 10e Conférence ministérielle de l'OMC vise à mettre fin aux subventions aux exportations agricoles").

En ce qui concerne les décisions qui traitent spécifiquement des PMA, le paquet de Nairobi traite des règles d'origine préférentielles afin de permettre aux exportations des PMA de bénéficier plus facilement d'un accès préférentiel aux marchés des pays développés et en développement. Cette décision développe les règles énoncées dans l'accord de Bali en fournissant des orientations quant à la personne qui doit déterminer si un produit peut être qualifié de fabriqué dans un PMA et si des intrants provenant d'autres sources peuvent être pris en considération en termes d'origine d'un produit. La décision de Nairobi demande aux pays accordant des préférences d'autoriser l'utilisation de matières non originaires (c'est-à-dire de matières provenant de sources autres que les PMA) jusqu'à 75 % de la valeur finale du produit exporté. Si ces autorisations sont accordées, l'Afrique au sud du Sahara pourrait être l'un des principaux bénéficiaires, car cette région comprend la majorité des PMA du monde (plusieurs pays importants de la région n'entrant pas dans la catégorie des PMA).

Enfin, il a été décidé de prolonger la période de dérogation existante au cours de laquelle les pays non PMA peuvent accorder un traitement préférentiel aux services et fournisseurs de services des PMA ; la nouvelle prolongation portera la période de dérogation jusqu'en décembre 2030. Cette décision encourage également les membres à engager des discussions concernant l'assistance technique aux secteurs des services des PMA.

En dépit de l'accent mis sur les PMA dans toutes ces décisions, un accord a toutefois fait défaut - un accord concernant le programme de Doha pour le développement. Le DG Azevêdo a reconnu l'échec de la conclusion du cycle de Doha, longtemps retardé, soulignant les divergences de vues fondamentales des membres sur la manière de procéder aux futures négociations de Doha. Cette incapacité à trouver un compromis sur le programme de Doha pourrait avoir un impact négatif à la fois sur l'Afrique, en termes de croissance économique soutenue de la région, et sur l'OMC elle-même, en termes de succès en tant que véritable organisation multilatérale, comme l'a souligné Amina Mohamed, secrétaire du Cabinet pour les affaires étrangères et le commerce international et présidente de la Conférence de Nairobi, dans une tribune publiée avant la conférence.

Le fait que la réunion n'ait pas abordé les politiques de soutien interne à l'agriculture revêt une importance particulière. De nombreux pays en développement considèrent les politiques de soutien interne des pays développés comme une concurrence déloyale pour les producteurs pauvres des pays en développement, qui doivent faire face à ces produits subventionnés sur leurs propres marchés intérieurs.