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La sécheresse en Ethiopie et les céréales

Depuis 2015, l’Ethiopie a été durement touchée par les sécheresses entraînées par El Niño. Ces sécheresses ont réduit les productions agricoles et animales à travers le pays et ont entraîné de nombreuses personnes dans l’insécurité alimentaire. Le gouvernement éthiopien estime que 10,2 millions de personnes auront besoin d’une aide d’urgence alimentaire en 2016, en plus des 7,9 millions de personnes déjà couvertes par le Programme Productif de Filet de Sécurité du pays.

Dans un nouveau document de travail du Programme de Support Stratégique Ethiopien, les chercheurs examinent comment les prix des aliments de base, en particulier le teff, le maïs, le blé et le sorgho, ont été impactés par la sécheresse. Pour ce faire, le document étudie l’évolution des prix mensuels des producteurs tirés de l’Agence Centrale de Statistique de l’Ethiopie dans plus de 400 worédas (subdivision administrative), ainsi que les prix mensuels au détail de 120 worédas, pour une période allant de janvier 2014 à janvier 2016.

Le document révèle des résultats surprenants. En général, les prix des céréales ont baissé depuis janvier 2014. Le prix moyen pour les céréales en janvier 2016 dans les worédas plus sérieusement impactés par la sécheresse était inférieur de 8,4 pour cent par rapport au prix deux ans auparavant ; dans tous les autres worédas (ex. : ceux moins impactés par la sécheresse) combinés, les prix ont chuté d’environ 11 pour cent. Les prix des céréales ont suivi une tendance similaire de baisse dans les worédas frappés par la sécheresse et dans les worédas non impactés par la sécheresse, suggérant que les marchés de céréales sont restés raisonnablement bien intégrés à travers la période.

Le maïs en particulier montre une baisse constante tout au long de la période d’étude. Etant donné que le maïs est la plus grande source de calories dans le panier national de consommation alimentaire, particulièrement pour les populations pauvres, ce déclin a des implications importantes pour la sécurité alimentaire nationale. En janvier 2016, les prix du maïs avaient baissé de presque 1 birr par kg par rapport à leurs niveaux de janvier 2014 ; cette baisse était de 18 pour cent dans les worédas plus durement touchés par la sécheresse et 23 pour cent dans les worédas moins touchés.

Les prix du teff, du sorgho et du blé ont montré des tendances légèrement plus mitigées. Les prix du teff ont baissé au début de l’année 2015 mais ont augmenté à la fin 2015 pour atteindre leur niveau de janvier 2014. Les prix du sorgho ont suivi une tendance similaire, mais les prix de janvier 2016 sont restés inférieur d’1 birr par kg par rapport aux prix de janvier 2014. Les prix du blé ont augmenté d’un 1 birr par kg tout au long de 2014 mais ont fini par baisser légèrement à la fin 2015.

Les prix des légumineuses et des racines, d’autre part, ont augmenté pendant la période d’étude. Les prix des légumineuses ont augmenté de 31 pour cent, alors que les prix des racines comestibles ont augmenté de 29 pour cent en moyenne dans tous les worédas entre janvier 2014 et janvier 2016.

Le document montre que le prix réel du panier de consommation alimentaire de l’Ethiopie a baissé pendant la période d’étude. Comme cela a été mentionné antérieurement, au niveau national, les prix des céréales ont baissé de 11,2 pour cent. Cependant, les auteurs soulignent que ces baisses n’étaient pas aussi notables dans les zones affectées par la sécheresse que dans les zones moins impactées, soulignant l’impact des mauvaises récoltes dans certains worédas.

Le document stipule également qu’en comparaison avec les prix de 1997-1998 – autre période de sécheresse grave en Ethiopie – les prix des céréales en 2015-2016 sont restés généralement stables. Au cours de la sécheresse précédente, les prix pour les quatre céréales principales (maïs, teff, sorgho et blé) avaient augmenté de 15, 31, 38 et 47 pour cent, respectivement, entre le premier trimestre de 1997 et le premier trimestre de 1998 ; ces prix ont tous montré une baisse importante au cours du quatrième trimestre de 1998, probablement en raison de la réception de l’aide alimentaire internationale. Cette différence suggère que la sécheresse en cours pourrait être moins sévère en termes de prix alimentaires mondiaux, en grande partie grâce à d’importantes importations de blé en 2015 et aux importations de blé attendues en 2016.

Les prix du bétail présentent une image plus troublante. Quand les prix des animaux baissent, selon les auteurs, ceci peut être un indicateur d’une insécurité alimentaire à venir. Les prix du bétail ont effectivement baissé au cours de la période d’étude, passant de 3 à 16 pour cent dans les worédas les plus affectés par la sécheresse. La baisse est probablement due à un manque de croissance adéquate du pâturage, ce qui détériore les conditions physiques du bétail et entraîne des pertes en production agricole, d’où une augmentation des ventes pour soutenir les conditions de vie des ménages. Les termes de l’échange animal-céréales ont également baissé dans des zones plus durement touchées par la sécheresse parce que les prix du bétail ont baissé plus vite que les prix des céréales. Ces tendances suggèrent que les ménages pastoraux et les petits agriculteurs qui sont propriétaires peuvent être confrontés à des difficultés importantes dans les mois à venir.

Globalement, bien que le coût du panier de consommation de l’Ethiopie n’ait pas augmenté au cours de la période d’étude, que ce soit au niveau national ou dans les zones affectées par la sécheresse, les auteurs concluent que les ménages dans ces zones font encore face à des pertes des moyens de subsistance dues à des chutes de la production agricole et à un épuisement des actifs tels que le bétail. Ainsi, on note un net besoin d’assistance dans les zones frappées par la sécheresse et un besoin de politiques de libre échange (comme la suppression des tarifs d’importation et des restrictions aux exportations) pour permettre aux excédents de céréales de se déplacer librement des zones d’excédent alimentaire vers les zones de déficit alimentaire. Ceci assurera un approvisionnement stable en produits alimentaires et aidera à maintenir le prix consommateur à un bas niveau. La situation en Ethiopie souligne aussi l’importance de collecter et de partager les données de manière adéquate et opportune afin de comprendre entièrement les conditions de sécurité alimentaire et les augmentations de prix ou la volatilité au niveau local.