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Malabo et le changement climatique

Selon un rapport de 2014 publié par le Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique (PICC), d’ici 2050, les impacts du changement climatique et les évènements climatiques extrêmes pourraient augmenter la faim et la malnutrition infantile de 20 pour cent. Ce qui marquerait un énorme recul dans les progrès de l’Afrique vers les Objectifs de Développement Durable (ODD) et pourrait ralentir sérieusement le développement et la croissance économique.

L’agriculture est étroitement liée à la fois au développement économique et au risque climatique en Afrique, comme le montre un nouveau document informatif du Panel de Montpellier. Selon ce document, le secteur agricole constitue la colonne vertébrale de la plupart des économies africaines, comptant pour 40 pour cent des recettes d’exportations totales de la région et employant 60 à 90 pour cent de la main d’œuvre de la région. Dans le même temps, l’agriculture est un contributeur majeur au changement climatique ; le PICC estime que l’agriculture contribue à 14 pour cent de toutes les émissions de gaz à effet de serre, et ce chiffre devrait augmenter d’un pour cent par an dans un scénario inchangé.

A mesure que la population continue à augmenter, en particulier dans les zones urbaines, la production agricole devrait augmenter pour nourrir plus de personnes ; et cette augmentation devra se produire d’une manière durable afin de protéger les ressources naturelles de base et atténuer les impacts négatifs du changement climatique. Investir dans les pratiques d’agriculture intelligente face au climat et rendre ces pratiques accessibles aux nombreux petits exploitants agricoles en Afrique sera essentiel pour aider la région à augmenter de manière durable la production agricole et la croissance économique et atteindre ainsi les objectifs de développement établis par les accords mondiaux tels que les ODD et la COP21 et les accords régionaux tels que le PDDAA et la Déclaration de Malabo  de 2014.

Le document de Montpellier présente toute une série de programmes d’agriculture intelligente face au climat qui ont été mis en application à travers l’Afrique ; ces programmes peuvent être améliorés à la fois sur le plan national et sur le plan régional afin de soutenir et de renforcer les conditions de vie des petits exploitants et la résilience face au changement climatique. Les programmes couvrent un large éventail de catégories, y compris : le leadership politique et le renforcement des capacités, la technologie et l’innovation, l’atténuation des risques, l’intensification durable et le financement.

La mise à niveau des pratiques d’agriculture intelligente face au climat exigera des gouvernements qu’ils créent des capacités humaines et institutionnelles, qu’ils soutiennent la recherche et l’innovation, qu’ils investissent dans des infrastructures améliorées et qu’ils fournissent des motivations financières et des politiques économiques appropriées. Le document présente le Centre de Service Ouest-Africain sur le Changement Climatique et l’Utilisation Adaptée des Terres (WASCAL, en anglais) comme un exemple de la manière dont les investissements dans la recherche et l’éducation peuvent améliorer la résilience de l’agriculture face au changement climatique. Le programme vise à renforcer les infrastructures et les capacités de recherche de l’Afrique de l’Ouest en mettant en commun l’expertise et les ressources de 10 pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Allemagne. Le programme a établi un Centre de Compétence en Afrique de l’Ouest qui mène des recherches et fournit des analyses basées sur des preuves aux décideurs politiques concernant les impacts du changement climatique et les mesures d’atténuation et d’adaptation ; ce programme a également permis d’établir dix écoles supérieures dans la région pour former et soutenir les scientifiques africains et les décideurs politiques dans les domaines de la recherche sur le changement climatique et de la gestion des terres.

Le travail de HarvestPlus avec les haricots riches en fer et les variétés de maïs orange en Zambie est présenté comme un programme réussi qui s’est basé sur la technologie et l’innovation pour améliorer la résilience et les capacités des petits exploitants. Ces variétés améliorées de haricots et de maïs sont toutes deux plus résistantes à la sécheresse et à la forte chaleur et fournissent des valeurs nutritives plus importantes que les variétés traditionnelles, permettant aux fermiers non seulement d’améliorer la nutrition de leur ménage mais aussi d’augmenter la production malgré le changement climatique. Le document cite que plus d’un million de ménages agricoles en Zambie ont adopté les variétés de haricots riches en fer ; et le gouvernement prévoit qu’au moins 500.000 ménages agricoles adopteront le maïs orange d’ici 2020.

Les agriculteurs sont confrontés à un grand nombre de risques de marché et de production qui peuvent les amener à être réticents à investir dans les nouvelles technologies/pratiques et qui peuvent porter atteinte à leurs conditions de vie et à leur sécurité alimentaire. Les programmes visant à atténuer ces risques, tels que les programmes d’assurance basés sur des indices pour protéger les agriculteurs pendant les chocs climatiques, peuvent aider à faciliter les revenus, promouvoir le développement agricole et l’expansion de la production, et rendre les programmes de secours en cas de catastrophe plus efficaces. Le Programme Productif de Filets de Sécurité (PSNP, en anglais) est un des programmes d’atténuation des risques les plus efficaces de la région. Ce programme, introduit par le gouvernement éthiopien en 2005, fournit des transferts de cash ou d’aliments pour les ménages en situation d’insécurité alimentaire en échange de leur travail dans les projets de travaux publics tels que la construction de cultures en terrasse ou la réhabilitation des terres pour l’usage agricole. Selon le document, ces projets ont augmenté la productivité des terres en Ethiopie de 400 pour cent. Le Programme de Renforcement des Actifs des Ménages (HABP, en anglais) a été établi en 2010 pour soutenir le PSNP en augmentant l’accès des petits exploitants au crédit de manière à leur permettre de diversifier leurs revenus et accumuler des actifs productifs.

L’intensification durable de la production agricole est cruciale pour le développement économique de l’Afrique, mais les petits exploitants sont souvent dans l’incapacité d’adopter les pratiques d’intensification durable. Au Kenya, l’introduction de la technologie de l’irrigation goutte à goutte, sous la forme de kits d’arrosage goutte à goutte à prix réduit, a permis aux ménages agricoles de réagir face aux précipitations incertaines et d’arroser les cultures d’une manière physiquement moins épuisante et plus rentable qu’avec l’arrosage traditionnel à la main. Le rapport estime que les kits, développés par l’Institut de Recherche Agricole du Kenya, ont aidé les agriculteurs à obtenir un profit s’élevant à 400-600 dollars  US par saison.

Enfin, le financement des pratiques de l’agriculture intelligente face au climat doit être amélioré de manière significative si l’Afrique veut mettre en place une réelle adaptation au changement climatique et une véritable action d’atténuation. Le Programme Agricole d’Adaptation pour les Petits Exploitants de l’IFAD est axé sur l’apport d’un tel financement. Etabli en 2012, ce programme investit dans l’enseignement aux petits exploitants des pratiques intelligentes face au climat telles que les systèmes d’association de l’agriculture et de l’élevage, la rotation des cultures et l’agroforesterie. Ces pratiques peuvent améliorer la qualité des sols de la région, augmenter la disponibilité de l’eau et apporter aux ménages agricoles des revenus additionnels.

Le rapport précise qu’après la première étape d’identification des programmes existants réalisés avec succès, pour améliorer efficacement ces programmes, les gouvernements devront intégrer des plans d’adaptation au changement climatique à travers les agences et les ministères et ils devront étudier de plus près le lien entre la sécurité alimentaire, les objectifs agricoles et les objectifs en matière de changement climatique. Le rapport recommande aux gouvernements africains et à la communauté internationale de se pencher sur : la collecte de données nationales et régionales exhaustives sur le changement climatique et la sécurité alimentaire ; l’augmentation des investissements dans la recherche et la formation des petits exploitants agricoles ; et la facilitation de l’accès aux financements mondiaux tels que celui fourni à travers le Fonds vert pour le climat.

Ces recommandations peuvent aider les décideurs politiques en Afrique à se prémunir contre la menace représentée par le changement climatique pour les objectifs de développement établis par la Déclaration de Malabo.