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Augmentation de l’utilisation des engrais: les leçons du modèle kenyan

Bien que l’utilisation des engrais à travers l’Afrique Sub-Saharienne reste faible, le Kenya a connu une croissance significative de l’utilisation des engrais au cours des dernières années. Selon un document publié par l’Université d’Etat du Michigan, l’USAID et le Centre International de Développement des Engrais (IFDC), entre le début des années 1990 et 2010, l’utilisation nationale des engrais a doublé au Kenya. Il convient de noter ici que cette augmentation est venue des petits producteurs agricoles qui achètent les engrais au prix du marché et non pas à travers les programmes de subvention des intrants. De plus, les rendements du maïs ont augmenté de plus de 18 pour cent pendant la même période. Selon les auteurs, il est possible de tirer de cette expérience des leçons importantes pour le reste de la région, notamment l’importance d’un environnement favorable qui promeut la concurrence et l’investissement du secteur privé.

Au début des années 1990, l’industrie des engrais au Kenya a entrepris une série de réformes. Avant cela, les marchés d’engrais du pays étaient contrôlés par des entités étatiques ou « semi-étatiques » ; ces entités établissaient les prix pratiqués dans des points de vente au détail gérés par l’Etat, fixaient des prix de vente maximum pour les détaillants privés et limitaient le nombre de fermes qui recevaient des licences pour vendre les engrais. Ces politiques avaient un impact négatif sur l’accès des agriculteurs aux engrais, en particulier dans les zones rurales éloignées.

Pour faire face à ces contraintes, au début des années 1990, le gouvernement du Kenya a éliminé les quotas d’importation, les contrôles sur le prix des engrais et l’accès préférentiel aux devises étrangères. Suite à ces réformes, de nouvelles entreprises du secteur privé qui ont intégré le marché et la distribution d’engrais commercial aux agriculteurs à travers le pays a augmenté de manière significative.

L’étude utilise cinq bases de données de panel tirées d’enquêtes à l’échelle nationale sur des ménages ruraux réalisées de 1990 à 2013. Les auteurs ont trouvé deux principaux résultats découlant des réformes : 1) une baisse des marges de commercialisation des engrais entre le port de Mombasa et les marchés au détail des hautes terres et 2) une augmentation du nombre de détaillants ruraux qui transportent des engrais dans leurs magasins. Selon le document, la marge de commercialisation DAP a baissé de 45 pour cent entre 1997 et 2000, et 60 pour cent de ce changement peut être attribué aux modifications des marges de commercialisations internes entre Mombasa et les points de vente des agriculteurs. Pendant la même période, le nombre de détaillants en engrais dans les zones rurales a augmenté d’environ 5.000 en 1996 à environ 8.000 en 2000. De plus, des données sur les exploitations agricoles à l’échelle du pays montrent que la distance que les agriculteurs doivent parcourir pour se rendre chez le vendeur d’engrais le plus proche a diminué de plus de la moitié entre 1997 et 2007. Ces changements réduisent de manière significative le coût des engrais pour les agriculteurs.

Les auteurs ont ensuite estimé l’effet de ces changements (prix plus bas des engrais et distance plus courte vers le détaillant d’engrais le plus proche) sur l’utilisation des engrais par les petits exploitants et sur la production de maïs. Leur estimation a montré que la baisse des prix des engrais azotés découlant de la réforme entre 1997 et 2010 a entraîné une augmentation de 36 pour cent dans l’utilisation d’azote par les petits producteurs de maïs ; on estime que cette augmentation de l’utilisation d’azote a directement entraîné une augmentation de 9 pour cent dans la production nationale du maïs (à la fois l’intensification de la productivité et l’expansion des plantations de maïs). Il convient de noter cependant que pendant cette période, les auteurs ont trouvé que la production totale de maïs a augmenté de 58 pour cent. Ceci suggère que même si les réformes des intrants ont joué un rôle dans l’augmentation de la production de maïs (les 9 pour cent d’augmentation mentionnés), l’augmentation de la production pourrait s’expliquer par beaucoup d’autres facteurs.

Le document conclut en stipulant que les réformes politiques telles que celles instituées au Kenya au début des années 1990 peuvent fournir un moyen plus efficace et moins coûteux pour promouvoir une utilisation plus importante des engrais que les programmes de subvention des intrants. L’amélioration de l’environnement national grâce à des conditions plus favorables peut encourager plus d’entreprises privées à investir dans le secteur des engrais, rendant ainsi les engrais plus accessibles et plus abordables pour les agriculteurs à travers le pays.