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Les programmes de protection sociale améliorent-ils la sécurité alimentaire?

Le Rapport Européen 2010 sur la protection sociale pour un développement inclusif a établi  une définition détaillée de la protection sociale, expliquant ainsi le concept:

« Un ensemble spécifique d’actions pour palier la vulnérabilité des populations par la sécurité sociale, qui offre une protection contre les aléas de la vie et l’adversité; par l’assistance sociale, qui offre des allocations en espèces et en nature pour soutenir les plus démunis et leur accorder une plus grande autonomie; et par des efforts d’inclusion qui renforcent les capacités des personnes marginalisées à accéder à la sécurité sociale et à l’assistance sociale. »

 

Toutefois, bien qu’elle mentionne la réduction de la pauvreté et la gestion du risque, cette définition ne présente pas explicitement le lien entre la protection sociale et la sécurité alimentaire. Un nouvel article sur la Politique Alimentaire élargit la discussion sur la protection sociale de manière à inclure la sécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne. L’inclusion de principes de justice sociale dans la conception des programmes de protection sociale peut améliorer la sécurité alimentaire, étant donné que l’objectif fondamental du programme de protection sociale est de gérer la vulnérabilité. Plus spécifiquement, l’article explique comment les programmes de protection sociale peuvent améliorer la sécurité alimentaire à travers trois moyens :

  1. La stabilisation des revenus à travers une atténuation du stress saisonnier, une gestion des risques et une assurance contre les chocs ;
  2. L’augmentation des revenus à travers la promotion de l’agriculture et l’amélioration de l’élevage rural ; et
  3. La promotion de la justice sociale à travers l’autonomisation des agriculteurs, des bergers et des paysans sans terre.

L’article est principalement axé sur les zones rurales étant donné que la pauvreté et l’insécurité alimentaire ont tendance à se concentrer dans les communautés rurales en Afrique et que la plupart des interventions de protection sociale de la région sont mises en œuvre soit à l’échelle nationale soit uniquement dans les zones rurales. En termes de stabilité de revenus, l’auteur cite plusieurs interventions qui peuvent être utilisées pour aider à protéger les ménages face à la fluctuation des prix et de l’approvisionnement des aliments. Ces mécanismes incluent l’assurance agricole (plus spécifiquement, une assurance indexée sur le climat), des programmes de travaux publics, l’aide alimentaire et les transferts d’argent conditionnels ou inconditionnels. L’article présente le Programme de Filet de Sécurité Productifs de l’Ethiopie comme un exemple de schéma de stabilisation des revenus. Le programme inclut un volet ‘travaux publics’ pour ceux qui peuvent travailler avec une composante de soutien direct qui fournit des subventions sans conditions pour ceux qui ne peuvent pas travailler (tels que les handicapés et les populations âgées). Cependant, l’auteur observe plusieurs faiblesses dans le programme : les transferts d’argent pourraient avoir contribué à l’inflation des prix des aliments. En effet, étant donné que dans certaines zones les commerçants ont tardé à répondre à la hausse de la demande, les transferts d’argent n’ont pas réussi à améliorer le caractère saisonnier des prix des aliments et, en fin de comptes, les bénéficiaires ont préféré passer des transferts d’argent à l’aide alimentaire, étant donné que la valeur du cash avait baissé à cause de l’inflation et de la crise alimentaire de 2007-2008.

L’auteur décrit les différentes stratégies mises en œuvre pour augmenter les revenus. Tout d’abord, les programmes directs tels que les transferts d’argent ; il note que l’augmentation des rendements des terres et de la main d’œuvre s’avère plus durable dans le temps, même si lesdits transferts sont plus difficiles à mettre en œuvre à cause des contraintes politiques. L’auteur souligne que l’investissement en agriculture augmente la productivité et les revenus ruraux, non seulement pour les producteurs, mais aussi pour les commerçants, les travailleurs sans terres et les prestataires de services et d’intrants dans la zone, avec un impact positif sur les ressources fiscales, étant donnés les revenus plus élevés. Les programmes de protection sociale peuvent aussi cibler les famines saisonnières en permettant aux personnes de subvenir à leurs besoins nutritionnels en période de crise ; mais le programme doit être conçu avec soin car les transferts d’argent et l’aide alimentaire peuvent avoir des effets négatifs sur le marché et sur le bien-être s’ils sont mal appliqués.

L’auteur souligne l’importance de la protection sociale en tant que moyen permettant d’assurer aux agriculteurs un accès opportun à des intrants abordables en citant le cas du Programme de Subvention des Intrants Agricoles du Malawi (MAISP) et de la Foire aux Intrants (ITF) du Mozambique. Le MAISP a permis une augmentation de 16 pour cent de la récolte nationale de maïs, avec un coût équivalent à un cinquième du coût d’un programme d’aide alimentaire traditionnel. Avec le temps, les subventions se sont avérées essentielles pour aider les agriculteurs à protéger leurs ménages face à l’insécurité alimentaire saisonnière et à la fluctuation des prix. L’ITF a facilité l’interaction entre les commerçants et les agriculteurs à travers un système de bons alimentaires pour les semences et autres intrants ; cette foire aux intrants s’est avérée efficace bien qu’onéreuse.

Les programmes de protection sociale peuvent aussi aider à construire des infrastructures rurales et à renforcer les institutions. Ces programmes peuvent apporter des améliorations dans la gouvernance, en contribuant à une mise en œuvre plus démocratique. L’auteur décrit trois exemples d’approches qui peuvent augmenter la justice sociale: des approches fondées sur les droits, le ciblage communautaire et les mécanismes de responsabilisation. Les approches fondées sur les droits sont permanentes par nature, dirigées par les gouvernements, et les bénéficiaires sont déterminés sur la base d’un contrat social entre les citoyens. En témoigne le « Programme de Travail Communautaire » en Afrique du Sud, qui entend fournir un minimum de travail à un salaire minimum et vise à combler les lacunes de l’emploi.

Le ciblage communautaire utilise les connaissances locales pour identifier les bénéficiaires potentiels. Cette approche est très populaire, étant donné qu’elle est définie comme étant participative et inclusive. Enfin, les mécanismes de responsabilisation peuvent être combinés en un programme de manière à transformer les structures du pouvoir avec le temps, permettant aux citoyens d’avoir une certaine autorité sur un programme dirigé par le gouvernement. Par exemple, au Burundi et au Nord Kenya, des stratégies permettant aux citoyens de présenter des réclamations concernant les programmes de protection sociale ont été établies avec succès.

Enfin, l’auteur fournit un certain nombre de stratégies différentes à travers lesquelles les transferts sociaux peuvent être mis en œuvre pour mieux protéger les ménages. Ces stratégies incluent des  mécanismes dans lesquels le transfert est fait en partie en aliments et en partie en argent, remplaçant le transfert par un bon, ou conditionnant la durée du transfert d’argent aux seules périodes de volatilité. L’auteur conclue en disant qu’il n’existe pas de remède unique pour chaque situation ; les projets devraient être adaptés aux besoins et aux contextes spécifiques. Toutefois, on constate clairement une synergie entre les programmes de protection sociale et la sécurité alimentaire des ménages, qu’il convient d’exploiter.

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Rédigé par Sara Gustafson et Florencia Paz, IFPRI.