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L’économie africaine au ralenti

Des recherches récentes d’IFPRI ont montré que le ralentissement économique mondial sera principalement ressenti dans les pays du monde les plus pauvres, avec 38 millions de personnes supplémentaires qui tomberont dans la pauvreté d’ici 2030. Selon le dernier rapport Africa’s Pulse (le pouls de l’Afrique) de la Banque Mondiale, ce ralentissement mondial a déjà eu des impacts dans la région – la croissance économique en Afrique sub-saharienne est passée de 4,5 pour cent en 2014 à 3 pour cent en 2015 et devrait baisser encore plus jusqu’à atteindre 1,6 pour cent en 2016, le niveau le plus bas sur plus de deux décennies.

Quelle est la cause de ce revirement spectaculaire ? La baisse des prix des matières premières internationales et les conditions financières mondiales plus strictes ont été exacerbées par des incertitudes politiques internes et des évènements climatiques négatifs tels que les sécheresses et les inondations de grande envergure. La combinaison de ces conditions climatiques défavorables a entraîné de faibles performances économiques régionales.

Les deux plus grandes économies en Afrique sub-saharienne, le Nigéria et l’Afrique du Sud, représentent plus de la moitié des résultats de la région, et ces deux pays ont été confrontés à des défis macro-économiques significatifs depuis le début de 2016, selon le rapport. Au Nigéria, la baisse des exportations de pétrole et les faibles revenus qui en ont découlé, ainsi qu’une baisse de la production industrielle, ont précipité le pays dans la récession : au cours du second trimestre de 2016, le PIB du Nigéria a baissé de 2,1 pour cent. De même, en Afrique du Sud, la sécheresse et une baisse de la productivité du secteur minier ont entraîné une baisse du PIB au cours du premier trimestre de 2016 ; bien que le PIB ait légèrement rebondi au cours du second trimestre, la reprise était faible par rapport aux normes historiques, selon le rapport.

Globalement, les pays exportateurs de pétrole de la région sont les plus touchés par les troubles économiques causés par leur dépendance par rapport au commerce international du pétrole ; ces pays comprennent l’Angola, le Tchad, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Sud Soudan. De plus, le rapport indique que les entrées de capitaux dans la région ont baissé, ce qui signifie que les pays d’Afrique sub-saharienne ont plus de difficultés à accéder à des financements externes. Par exemple, au Nigéria, les entrées de capitaux ont baissé de 55 pour cent au cours du premier trimestre de 2016. Ces baisses pourraient exercer une pression sur la balance des paiements des pays, sur les devises et sur les taux d’inflation. Les pays exportateurs de matières premières pourraient connaître une reprise modérée de la croissance économique car ils devront s’adapter au nouveau contexte des prix plus bas des matières premières au niveau mondial, ce changement devrait cependant se produire graduellement ; le rapport suggère que la croissance, en particulier dans les pays exportateurs de pétrole, restera faible pendant les deux prochaines années.

Le rapport souligne aussi que la situation économique de la région est cependant hétérogène. Alors que de nombreux pays sont effectivement confrontés à une détérioration des perspectives de croissance, d’autres pays ont répondu au ralentissement économique mondial avec une résilience surprenante. Le rapport crée une taxonomie des pays de la région pour examiner ces tendances divergentes : les pays qui ont fait leurs preuves et qui entrent dans les catégories « établis » et « améliorés » sur le plan économique sont ceux qui ont prouvé leur résilience face aux défis économiques, alors que les pays « distancés » ou « à la traîne » n’ont pas réussi à se montrer résilients. Près d’un quart des pays de la région se trouvent dans les catégories « établis » et « améliorés », comptant pour 41 pour cent de la population de la région et environ 21 pour cent du total de ses résultats économiques. Le rapport indique que ces types de pays ont tendances à avoir de meilleurs cadres de politique macro-économique (en particulier pour les politiques monétaires), des structures d’exportations plus diversifiées et des normes commerciales plus progressistes, des politiques d’Etat de droit et une efficacité gouvernementale. Les pays « établis » incluent l’Ethiopie, le Mali, le Mozambique, le Rwanda et la Tanzanie, alors que les pays « améliorés » incluent le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la République Démocratique du Congo, le Kenya, le Sénégal et le Togo. Le rapport indique que les économies « établies » et « améliorées » disposent de contributions plus équilibrées venant des secteurs industriel et agricole que les pays « distancés » ou « à la traîne », dont la croissance est portée principalement par le secteur des services.

Plusieurs étapes importantes sont nécessaires dans de nombreux pays à travers la région pour améliorer les perspectives de croissance économique, selon le rapport. L’amélioration des politiques macro-économiques sera essentielle pour faire face aux défis fiscaux, améliorer la mobilisation des ressources internes et établir les solutions internes adéquates pour résister aux périodes de ralentissement économique mondial. De plus, la région devra augmenter sa productivité agricole. Le rapport montre que la croissance de la production agricole est due en grande partie à l’extension des terres cultivées plutôt qu’à l’augmentation des gains de productivité ; cette tendance n’est pas viable sur le long terme et devra être inversée.

Cependant, le rapport souligne aussi que les conditions sont réunies pour stimuler la productivité agricole et améliorer durablement la croissance agricole. A mesure que la population africaine augmente et devient plus urbanisée, la demande locale pour plus de produits alimentaires améliorés (ex. plus nutritifs) augmente également ; ce qui signifie plus de stimulation de la demande et un potentiel de substitution des importations qui pourrait aider les marchés régionaux à se développer rapidement. Pour tirer parti de ces opportunités, les pays devront augmenter leur investissement public dans les zones rurales, y compris le renforcement des marchés ruraux, le développement et la diffusion de technologies agricoles améliorées, la promotion de l’utilisation durable des intrants et l’expansion de l’accès aux informations agricoles et de marché fiables, transparentes. Le rapport souligne que les pays en Afrique sub-saharienne devraient être axés plus sur la qualité de leurs dépenses et l’efficience de l’utilisation de leurs ressources  plutôt que sur le niveau de dépenses dans le secteur agricole. Par exemple, alors que de nombreux pays investissent massivement dans la subvention des engrais, le rapport suggère que cet argent pourrait être mieux dépensé à travers des investissements complémentaires tels que les programmes d’extension agricole, la formation sur la conservation des sols et une meilleure irrigation.

Enfin, la région devra prendre des décisions plus transparentes et plus inclusives en matière de dépenses agricoles afin d’aider à rassembler les intervenants et assurer que les gouvernements prennent au sérieux les engagements de réforme.