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Les femmes malawites confrontées aux obstacles de l’AIC

Le changement climatique et la variabilité du climat représentent des défis pour tous les agriculteurs petits producteurs à travers le monde, mais les femmes agricultrices sont généralement plus durement touchées à cause du manque de ressources. Selon le premier article dans un numéro spécial de Genre, Technologie et Développement publié en juillet, les agricultrices du Malawi n’ont pas accès aux outils agricoles de base, ni aux nouvelles technologies et pratiques qui peuvent augmenter la productivité du travail et aider dans l’adaptation face au changement climatique.

Les auteurs indiquent qu’en 2007, les NU ont classé le Malawi dans la catégorie des pays les plus vulnérables de l’Afrique sub-saharienne face aux effets négatifs du changement climatique. Les vagues de sécheresse prolongées, la mauvaise distribution des précipitations et les inondations le long des bassins fluviaux représentent des menaces pour l’agriculture du Malawi, laquelle est principalement pluviale et dominée par les petits agriculteurs. Ces menaces  ont eu un impact significatif sur le plan  économique et sur le plan humain. Les inondations de 2015 auraient coûté au gouvernement du Malawi 335 millions de dollars US en pertes et dommages causés sur les cultures et les infrastructures, affectant plus d’1,1 millions de personnes.

Le gouvernement malawite a eu à cœur de relever ces défis en élaborant plusieurs initiatives nationales visant à promouvoir les pratiques de l’agriculture intelligente face au climat (AIC). Ces pratiques incluent l’Initiative de la ceinture de verdure pour augmenter le niveau d’irrigation utilisée en agriculture ; l’approche à l’échelle du secteur agricole du Malawi (2011-2015) pour promouvoir les techniques agricoles de conservation ; le Programme de Subvention des Intrants Agricoles (PSIA) du Malawi pour augmenter l’utilisation d’engrais inorganiques parmi les petits producteurs ; le rapport 2015 des Contributions Prévues Déterminées au Niveau National (CPDN) du Malawi lors de la COP21 de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) pour planifier les activités d’adaptation et d’atténuation du changement climatique du pays. Bien que ces programmes intègrent la dimension genre comme un facteur essentiel en termes d’AIC, les agricultrices sont encore considérablement écartées.

Utilisant la revue documentaire, les enquêtes et les études des groupes de réflexion, le suivi de l’utilisation du temps basés sur l’horloge d’activités, l’étude examine le pouvoir de décision agricole des femmes, l’utilisation du temps et l’accès aux outils agricoles de base et aux technologies spécifiques à l’AIC. L’étude a concerné 1.592 agricultrices dans les régions de Nkhamenya et Kabudula du Malawi et s’est intéressée particulièrement à la production du maïs (la principale culture de base produite dans ces zones) et la production du tabac (la principale culture commerciale produite).

En termes de propriété foncière et de prise de décision agricole, les groupes de discussion indiquent que dans ces zones, les hommes possèdent généralement les terres et les agricultrices ont un contrôle limité sur les terres qu’elles utilisent et sur les décisions prises concernant les terres. Ceci peut avoir un impact sur la productivité du travail des femmes en les empêchant d’adopter des outils et des ressources qui les aideraient à utiliser les terres de manière plus efficace.

L’irrigation est l’un de ces outils technologiques qui se décline sous différentes formes allant des simples arrosoirs et de la dérivation des eaux aux technologies plus avancées telles que l’arrosage automatique et les systèmes d’irrigation de précision. Cependant, l’adoption de ces différentes technologies diffère pour les hommes et pour les femmes. Selon l’étude, la recherche a montré que les agricultrices au Malawi étaient plus susceptibles de payer pour les pompes à pédales subventionnées en utilisant du cash, alors que les agriculteurs étaient plus susceptibles de payer pour l’outil en utilisant un prêt. Ceci indique que les femmes pourraient avoir un accès plus limité que les hommes au financement quand il s’agit de technologie d’agriculture intelligente face au climat.

De plus, les femmes semblent utiliser ces technologies beaucoup moins fréquemment que les hommes. Sur les 1.589 agricultrices enquêtées à Nkhamenya et Kabudula, 45 pour cent uniquement utilisaient des méthodes d’irrigation pendant la saison sèche. De plus, plus de ces 45 pour cent utilisaient des méthodes basiques telles que les arrosoirs ; seules six femmes ont indiqué qu’elles utilisaient des systèmes de pompes d’irrigation à la chaîne, alors qu’une seule a indiqué qu’elle utilise une pompe à pédales.

Le Programme de Subvention des Intrants Agricoles (PSIA) du Malawi vise à augmenter l’accès des petits exploitants aux engrais inorganiques mais selon l’article, la documentation suggère que le programme n’a eu qu’un effet insignifiant sur les ménages dirigés par des femmes. L’étude elle-même a abouti à cette même conclusion. Alors que 79,5 pour cent des femmes enquêtées ont indiqué qu’ils utilisent soit les engrais soit le fumier de ferme sur leurs terres, d’autres investigations ont révélé que 12,63 pour cent des agricultrices à Nkhamenya et Kabudula utilisent des engrais inorganiques et 4,95 pour cent et 0,81 pour cent utilisent du fumier/des résidus de culture ou du compost, respectivement. Ces conclusions suggèrent que les femmes dans ces zones n’ont pas accès aux engrais permettant de renforcer l’efficacité et de pratiquer une agriculture intelligente face au climat.

Les femmes dans ces zones du Malawi n’ont pas non plus accès aux outils agricoles et agro-industriels qui peuvent augmenter la productivité du travail et encourager l’adoption des pratiques d’AIC. L’étude a montré que la plupart des agricultrices ne disposent que des houes traditionnelles ou autres petits outils, leurs propres mains/jambes pour la plantation, le désherbage et la récolte. Ce cas de figure implique plus de main d’œuvre, plus de temps et moins d’efficacité qu’avec des outils mécanisés ; et cela empêche aussi les femmes de s’engager dans des pratiques d’AIC qui ne peuvent être réalisées avec ces outils de base. Par exemple, la plantation d’arbres en agroforesterie nécessite de creuser des trous plus grands et plus profonds que ceux que l’on peut obtenir avec des outils simples.

Globalement, l’article souligne que bien que les programmes du Malawi visant à encourager l’adoption de pratiques d’AIC par les petits exploitants (hommes et femmes) soient ambitieux et bien intentionnés, lesdits programmes n’atteignent pas les femmes rurales exploitantes, du moins dans les zones concernées par l’étude. Les femmes à Nkhamenya et Kabudula n’ont pas accès aux outils, aux crédits et aux financements nécessaires pour adopter les pratiques d’AIC ; de plus, même lorsque les femmes ont accès à ces ressources, elles n’ont pas de pouvoir de décision pour les adopter. Afin d’encourager l’adoption des pratiques d’AIC par les agricultrices, il est nécessaire de mieux comprendre les rôles différents des hommes et des femmes, leur accès aux ressources et aux technologies et leur pouvoir de prise de décision. Ceci permettra aux décideurs politiques de combler les fossés en termes de ressources et de financement et de mieux cibler les programmes d’AIC pour répondre aux besoins des femmes rurales.